4 mars : journée mondiale contre l’obésité

La journée mondiale contre l’obésité est une journée pour sensibiliser les opinions aux réalités vécues par les personnes en situation d’obésité et interpeller les institutions publiques. L’ambition est de d’améliorer tous les aspects de la vie – médicale, sociale, professionnelle, sportive, amoureuse, etc. – des personnes obèses. A ce jour, l’obésité est toujours principalement définie par un indicateur dont on a pourtant maintes fois démontré qu’il est pertinent pour suivre une population mais farfelu pour évaluer la situation particulière d’un individu.

Le Monde, janvier 2022. Comment l’obésité gagne la planète et pourquoi l’obésité ne fait pas tout

Je n’ai toujours pas décidé si je suis d’accord avec l’idée de considérer l’obésité comme une maladie chronique, comme le font l’OMS depuis 1997 et l’Union européenne depuis 2021, à l’inverse de la France qui refuse. Peut-être parce que l’obésité est une situation complexe et que l’inscrire en premier dans le champs médical peut mener à une dangereuse simplification. En gros (ah, ah), si tu es obèse, ben perds du poids.

Le terrain médical est par ailleurs encore bien loin d’être le terrain le plus accueillant pour parler et espérer trouver des solutions sans recevoir une bonne dose de culpabilité infantilisante. D’ailleurs, de quelles solutions parlons-nous ? De solutions pour guérir soi-même de l’obésité ou des solutions pour guérir la société de sa grossophobie ?

Sais-tu combien je suis discriminée ?

Journée mondiale de l’obésité 2022

Quand j’ai créé Bertines, je ne savais pas trop où j’allais avec cette envie de parler de la difficulté de trouver des vêtements en magasins physiques quand on fait une grande taille. Mais une chose était certaine, je n’y parlerai pas de régime. Parce que c’est exactement ce que l’on attend d’une grosse, qu’elle parle de son envie de maigrir et point barre.

Moi, j’ai plutôt envie de parler de discrimination. Mais dire frontalement à quelqu’un : “Sais-tu combien je suis discriminée, marginalisée ?”, c’est prendre le risque de le mettre mal à l’aise et de créer un rejet ou une volonté d’euphémiser ce que je vis : mais noooon, regarde bla bla bla… (remplacez bla bla bla par un argument maintes fois éculé du type j’ai un ami gros qui a toujours de belles chemises). Alors j’ai décidé de passer par les faits. Sur un terrain partagé par toustes : le shopping.

Je n’ai rien trouvé d’intéressant

Ca, c’est ce que je disais avant lors des virées shopping pour justifier que je ressortais du magasin les mains vides. “Oui mais tu cherches le mouton à cinq pattes”. C’est ce qu’on me répondait et la virée pouvait continuer en toute insouciance. Enfin pas la mienne d’insouciance, parce que moi une fois encore, je ressentais en silence la chaleur de la brûlure émotionnelle créée par cette mise au ban.

@mayacurvy

Quand une plussize essaye de s’habiller 🤦🏽‍♀️🤦🏽‍♀️🤦🏽‍♀️#nananeuse #grosseetalors #femmeronde #lookplussize #zara

♬ son original – Maya Curvy
@Mayacurvy raconte sur TikTok une expérience bien trop banale lors d’un shopping plus size

Maintenant, ce que je dis c’est “ces enfoirés, ils ne font volontairement pas ma taille”. Et oui, cela crée un malaise. Mais ce malaise, il est nécessaire. Pour moi parce que je dis la vérité crue de ce que je vis. Pour l’autre parce qu’au moins pendant ces quelques secondes de malaise, il ne peut pas faire semblant de ne pas savoir qu’il a un privilège. Et que ce privilège comporte mon exclusion. Moi, on m’a violemment retiré le droit de faire de façon insouciante du shopping en magasin.

Vouloir entrer dans le cercle

Discriminer quelqu’un, c’est lui dire qu’il devrait avoir honte de ce qu’il est. OK. Mais considérons aussi que par effet miroir, s’arroger le droit de désigner ce qui fait honte est souvent surtout une façon de révéler sa propre peur. Je ne veux pas être comme toi. Et j’ai si peur d’être comme toi, que je trace un cercle au sol dont tu seras exclu.

Le piège, c’est de vouloir à tout prix entrer dans ce cercle alors qu’il vaudrait en fait mieux le peindre en rouge pour qu’il soit clairement visible. Ainsi l’on verrait mieux comme l’espace hors de ce cercle est bien plus grand, plus intéressant. Et l’on pourrait s’interroger sur ce que ceux qui l’ont tracé, et s’en retrouvent désormais prisonniers, essaient de protéger. Sur les raisons pour lesquelles ils pensent que ce cercle leur donne du pouvoir. Sur les raisons pour lesquels eux ont besoin de ce cercle qui est en fait leur problème pas le nôtre.

Information, représentations et pouvoir d’achat, les trois leviers interdits du pouvoir des discriminés

Oui mais les options sont rares. C’est souvent ce que l’on se dit quand de guerre lasse, on achète un vêtement grandes tailles en ligne, auprès d’une enseigne qui nous exclut de ces magasins physiques. Mais c’est faux. C’est juste que ces options, de plus en plus nombreuses au contraire sont encore trop dures à trouver. Obnubilés que nous sommes par le cercle, nous ne voyons plus tout ce qu’il y a autour.

Et certains voudraient que nous le voyons jamais parce qu’alors, ils n’auraient plus de privilèges. Mais qui sont ces ils ? Ils sont nombreux malheureusement. Commençons au hasard par Victoria Secret et Abercrombie & Fitch. Ces entreprises qui, pendant des années, ont ouvertement fondé leur business model sur l’exclusion des gros afin de permettre aux autres de penser appartenir à une élite et dont les récentes rédemption ne sont dues qu’au fait qu’elles ont frôlé la faillite.

Continuons avec toute l’industrie du luxe, fondé sur le même business model. Mais ajoutons que cette industrie est une fieffée menteuse car elle sait très bien inclure les obèses pour peu qu’ils aient un compte en banque bien fourni. On parlera alors de sur mesure. So chic. Poursuivons encore avec les médias et l’industrie culturelle qui font semblant de croire qu’une femme taille 34 mesurant 1,86m de 18 ans représente toutes les femmes.

Soupir. Stop. à présent que nous ne souhaitons plus entrer dans ce cercle, secouons le. Nous disposons pour cela de trois armes redoutables :

Notre capacité à nous informer. Plus nous nous informons sur les mécanismes mis en place par tous ces acteurs pour préserver ce cercle, plus il nous est insupportable de les subir et plus il devient simple de s’en éloigner sans crainte. Mais pour ne pas avoir l’impression de se retrouver seules et démunies dans les premiers temps, il ne faut pas hésiter à se rapprocher de celles et ceux qui ont les yeux ouverts eux aussi. Et c’est le côté positif des réseaux sociaux et des associations militantes. S’informer permet aussi de découvrir comment concrètement commencer à modifier ses habitudes de consommations et par exemple, de trouver toutes ces marques qui font de vraies propositions pour s’habiller en grandes tailles.

Notre volonté de déconstruire nos regards. Nous baignons depuis tant de temps dans une imagerie qui nous ne représente pas que nous en avons pris l’habitude. Et il est difficile d’apprendre à voir une autre normalité, plus diverse, plus inclusive. Ma déconstruction est passée par la recherche de comptes Instagram différents, par le suivi de profils Twitter qui font entendre une autre voix. Ils étaient là, mais je ne les voyais pas parce que je n’imaginais pas qu’ils étaient là, ni combien ils sont nécessaires

Notre pouvoir d’achat. Dans une société malheureusement consumériste, oui, on vote avec sa carte bleue aussi. Alors, nous pouvons décider de consommer autrement et de ne plus enrichir ceux qui nous mettent au ban. Ce n’est pas facile parce que là aussi, cela demande de s’informer pour trouver de nouvelles marques et de déconstruire nos croyances sur la mode. Mais cela en vaut la peine, parce que oui, les possibilités existent.

Notre carte d’électeur. En cette période de campagne pour l’élection présidentielles, j’ajoute ce quatrième mais en fait premier pouvoir ; le bulletin que nous glissons dans l’urne. C’est une bonne idée que de se demander ce que propose un candidat pour mettre fin aux discriminations subies par les personnes obèses. Je relaie l’initiative @GrasPolitique sur Twitter qui a décidé d’interpeler chaque candidat.

Ma façon de participer à cette journée mondiale de l’obésité ne sera donc pas d’aller me repentir chez le médecin ou dans une salle de sport mais d’aller revendiquer mes droits en entrant dans une boutique pour demander ma taille. Le shopping comme un acte militant.

Pour poursuivre votre questionnement :

Le site de La journée mondiale de l’obésité
Le site de la The European Coalition for People Living with Obesity
La page ressources de ce site
Le travail de Gras Politique ou Corps Cool
Et tant d’autres

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